Grèce : ENCORE UNE DÉMONSTRATION TRÈS ABSURDE ! par François Leclerc

Billet invité

Les représentants de la Troïka vont demain mardi soumettre la Grèce à un nouvel examen de passage, occasion de dresser également le terrible bilan de deux plans de sauvetage successifs ayant plongé le pays dans une profonde récession, dont il est officiellement annoncé pouvoir sortir très timidement. Ces années de plomb qui ne sont pas finies ont connu un chômage colossal et une atteinte profonde des revenus, ainsi qu’un programme de réformes structurelles et de privatisations qui est encore loin d’avoir été totalement réalisé. 240 milliards d’euros d’aide auront été débloqués au total, et le seul chiffre qui mérite d’être placé en regard est celui du poids de la dette publique, actuellement de 318 milliards d’euros et ne déclinant que d’un soupçon – soit 174 % du PIB – qui est désormais détenue à 85 % par l’Eurosystème, BCE en tête ! Destinée à être un laboratoire, la Grèce est devenue au fil des ans, et du désastre, un cas d’école de ce qu’il ne fallait pas faire.

L’hypothèse d’un troisième plan de sauvetage n’est plus d’actualité pour des raisons politiques, l’Union européenne arrivant en décembre prochain au terme de son programme financier. La poursuite de celui du FMI, pour une dernière tranche de 12,5 milliards d’euros, est en question et donne lieu à de grandes manœuvres. Le gouvernement grec est sous la menace grandissante d’élections anticipées, qui donneraient la victoire à Syriza : faute de réunir une majorité qualifiée de 180 parlementaires pour élire le chef de l’État, en mars prochain, des élections législatives anticipées s’imposeraient, la coalition gouvernementale actuelle n’en comptant que 153.

Antonis Samaras, le premier ministre, excipe de son maigre excédent budgétaire et de sa prévision de croissance positive pour le dernier trimestre 2014 – ce n’est pas gagné – pour justifier son intention de renoncer à la dernière tranche de prêt du FMI et de se financer sur le marché obligataire, profitant de l’accalmie qui continue d’y régner. Il proclame que la Grèce va rejoindre l’Irlande et le Portugal pour sortir à son tour de toute assistance financière (mais pas de ce qui l’a accompagné), et tenter ainsi de tirer politiquement son épingle du jeu en se donnant un profil de vainqueur. Cela rappelle Mariano Rajoy faisant tout en Espagne pour ne pas devoir bénéficier d’une même assistance, le remède étant connu pour tuer le malade.

Mais ce sauvetage potentiel – et non assuré – du parti Nouvelle Démocratie ainsi que du sort personnel du premier ministre aà un coût immédiat, qu’il va falloir payer en rétribuant les investisseurs appelés à financer la dette du pays. Le taux à dix ans semble pour l’instant stabilisé, mais il est tout de même de 6 % par valeur supérieure ! C’est aussi sans compter avec l’échéance redoutable de 2022 – dans une éternité, est-il vécu – date à laquelle il faudra commencer à rembourser l’aide internationale déjà reçue, Quoique onéreux aux dépens des Grecs, le calcul peut paraître néanmoins faisable d’ici là, à condition que les taux ne connaissent pas une nouvelle poussée de fièvre, ce qui est impossible à écarter.

Un événement outre-Atlantique est déjà venu souligner la fragilité de la situation, en raison de la crise que traverse le méga-fonds d’investissement Pimco, filiale de l’assureur Allianz, connu pour avoir énormément investi dans la dette des pays européens périphériques pour profiter de leur rendement resté très élevé. Des ventes de sa part pourraient rapidement modifier la donne. Cette normalisation peut donc facilement déraper. Mais elle apportera, si tout du moins elle se concrétise, de l’eau au moulin des autorités européennes qui en ont bien besoin pour justifier leur politique. « Les premiers fruits du succès sont visibles », s’est dépêchée de déclarer Angela Merkel qui en a besoin d’autres pour contrer la montée en puissance de l’AfD, le parti eurosceptique de la droite nationaliste allemande qui grignote son électorat.

La question de la viabilité de la dette grecque va-t-elle si facilement pouvoir être éludée ? Les discussions afin d’en alléger le poids se sont poursuivies début septembre à Paris, et il est toujours question d’une conférence qui pourrait se tenir en novembre prochain à Washington. Antonis Samaras spécule sur une baisse des taux et un allongement du calendrier de son remboursement, le principe d’une nouvelle décote n’étant pas envisageable. De son côté, Alexis Tsipras cherche à passer dans le chas de l’aiguille avec sa proposition de lier le taux de la dette avec celui de la croissance.

Les sorties de plans de sauvetage sont l’occasion de grands numéros d’équilibriste de tous bords.